04/06/2025

Article écrit par Héloise Junier, à retrouver sur heloisejunier.com

Nombre de parents exigent que leur enfant, dès qu’il est en âge de parler, jalonne son discours, des traditionnels « merci » et « s’il te plaît ». Une (fausse) bonne idée ?

Sylvie vient chercher son fils, Léo, trois ans, à la crèche. Au moment de quitter les lieux,  elle exige de son petit d’homme qu’il adresse un solennel « au revoir » aux professionnelles présentes, petit mouvement de la main à la clé. Léo n’y prête pas attention. La maman insiste – encore et encore – sous le regard intransigeant des autres parents. Est-ce vraiment le bon âge pour lui enseigner la politesse ? Pas vraiment. Explications.

Des prérequis sont nécessaires
Enseigner la politesse à un enfant c’est le faire entrer dans son groupe social, c’est lui apprendre ses codes de communication: « s’il te plaît », « merci », « au revoir »… Or, vers 3 ans, bien qu’il soit capable de parler, l’enfant n’a pas la maturité intellectuelle nécessaire pour saisir l’intérêt et la portée de ces codes. Et pour cause, il n’est pas encore pleinement « décentré ». Il ne peut donc que répéter mécaniquement « merci » sans comprendre ce que cela signifie !

Pas avant 4/5 ans
La politesse prend tout son sens une fois que l’enfant est en capacité de comprendre que les autres peuvent penser différemment de lui, qu’ils existent au même titre que lui, qu’ils ont des besoins, des émotions, des sentiments différents des siens. Mine de rien, cela prend du temps. Ce fameux stade, que les psychologues nomment la « théorie de l’esprit », n’est pas pleinement atteint avant l’âge de 4/5 ans. Or, ces prérequis psychologiques sont tributaires de son développement cérébral, il est donc inutile de vouloir brûler les étapes, ni d’espérer les accélérer !

Avant, il est poli à sa manière !
Avant cet âge, l’enfant exprimera sa gratitude à sa manière, avec un sourire, un rire, une caresse. Puis, au fur et à mesure de son développement, il emploiera spontanément les codes qu’on lui a si souvent adressés : il finira par dire spontanément « merci » quand on lui offrira un cadeau, il sentira que cela fait plaisir à son interlocuteur et renouvellera naturellement l’expérience. Il sera même capable de dire « merci » alors que le cadeau ne lui plait pas, pour ne pas faire de peine !
Toutefois, n’oublions pas que la famille demeure le premier lieu d’apprentissage social d’un enfant. Commençons donc par leur donner de bons modèles en faisant preuve soi-même, en tant que parent, de respect envers les autres !

Josette Serres, docteure en psychologie du développement : « Le tout-petit est naturellement bon et empathique, c’est une capacité innée, fruit de son évolution pour s’attirer les bonnes grâces des adultes dont il dépend. Ce n’est donc pas l’apprentissage de la politesse qui le rendra gentil ! Cessons de percevoir les enfants comme des êtres frustres qu’il faut conditionner ».